En garde !

En escrime, le combat est un dialogue ; l’assaut, une phrase d’armes. Cette discipline compte de nombreuses expressions que l’on manie quotidiennement sans même en connaître l’origine. Nous vous convions à un assaut imaginaire réunissant quelques-unes de ces fameuses formules. Dans cette joute, qui aura le dernier mot ? 


Jeux Olympiques, Los Angeles, 1991 © Unsplash

 

Vous fourbissez votre arme, bras armé, prêt à croiser le fer dans un duel qui a tout l’air d’une affaire sérieuse. Vous relevez le gant et vous vous tenez sur vos gardes. On dit de vous que vous êtes un bretteur. Mieux, une fine lame. 

 

Le regard acéré, vous dégainez. Vous vous tenez de pied ferme. Vous comptez bien avoir le dessus des armes et ne pas passer l’arme à gauche. Votre doigté vous permet de répondre du tac au tac et de placer quelques bottes joliment menées. Tandis que votre adversaire s’enferre, s’escrimant à exécuter des actions qui ne sont que des coups d’épée dans l’eau, vous le traitez, en vous-même, de sabre de bois. Il ne risque pas de vous embrocher. Ne baissez pas pour autant votre garde ! 

 

Quand, soudain, un retour au temps précédent s'impose et vous laissez s’échapper « au temps pour moi ! » Vous vous faites blanc de votre épée. Vous enchaînez coups fourrés, coups de Jarnac et coups d’arrêt. Méfiez-vous néanmoins d’une épée à double tranchant ! Votre adversaire sent comme une épée de Damoclès. Il a l’épée sur la gorge… Ou bien est-ce vous, pressé d’en finir ? Chevaleresque, vous décidez de tirer à fleuret moucheté.

 

Pour parfaire votre culture :

 

Affaire sérieuse : Terme employé lors d’un duel et inventé par les maîtres d’armes du XVIIIe siècle pour désigner ce déplacement de l’escrime hors des salles d’armes.

À fleurets mouchetés : Ménager l’adversaire sans intention de le blesser.

Au temps pour moi : Revenir à la position précédente en vue de recommencer le mouvement.

Avoir le dessus des armes : Prendre le dessus.

Avoir l’épée sur la gorge : Être saisi et menacé d’être tué. Au figuré : être vivement pressé.

Baisser sa garde : Se rendre vulnérable.

Botte : Initiative destinée à mettre un adversaire en difficulté.

Bras armé : Homme chargé de faire respecter la loi par la force.

Bretteur : Celui qui se bat souvent, qui aime ferrailler.

Coup d’arrêt : Coup de pointe stoppant l’adversaire.

Coup fourré : Autrefois, coup technique exécuté avec l’épée.

Coup de Jarnac : Coup parfaitement régulier, mais passé dans le langage courant comme un coup fourré.

Coups d’épée dans l’eau : Action dépourvue d’effet.

Croiser le fer : Défier quelqu’un.

Dégainer : Tirer l’épée du fourreau.

De pied ferme : Allusion à un bretteur qui se tient en garde sans reculer.

Doigté : Qualité permettant de doser les contractions et les relâchements des doigts sur la poignée de
l’arme et de manier celle-ci avec plus d’agilité et de vitesse.

Duel : Combat entre deux personnes.

Embrocher : Percer le corps de son adversaire avec le fer de son arme.

Fourbir ses armes : Se préparer.

Le regard acéré : Expression vive, comme produite par une lame à la pointe acérée.

Passer l’arme à gauche : Mourir.

Relever le gant : Accepter le défi.

Répondre du tac au tac : Répondre à une attaque en parant et ripostant immédiatement.

Sabre de bois : Personne non dangereuse.

Se faire blanc de son épée : Se couvrir de son épée par des mouvements rapides. Au figuré : se
prévaloir d’un pouvoir ou d’un crédit que l’on n’a pas.

S’enferrer : S’embourber.

S’escrimer : S’évertuer à.

Se tenir sur ses gardes : Être prêt à combattre.

Un bretteur : Celui qui se bat souvent, qui aime ferrailler.

Une fine lame : Un expert.

 

 

Les trois coups (de génie) de Molière…

Amis des théâtres, le Bottin Mondain ne pouvait passer sous silence le 400e anniversaire du plus illustre des auteurs français !

©  L. de Funès dans L’Avare, 1980 

 

Le succès. Molière serait l’auteur français actuel le plus joué dans le monde, devant l’éternel rival, William Shakespeare. Bien sûr que cela reste un rien théorique, mais l’assertion ne trouve aucun démenti. Quoi qu’il en soit, le génie de Molière rencontre, quatre cents ans après sa naissance, un incroyable écho. Même aux États-Unis, des colloques, des journées d’étude, des expositions mettent à l’honneur notre n°1 des planches ! Quel autre auteur peut se targuer de posséder « sa » maison, une Comédie-Française, temple sacré dont les ors ont brillé au firmament d’un répertoire dont chaque pièce raconte ce que nous sommes. C’est cette même maison qui programme jusqu’à l’été une saison spéciale dont la représentation très attendue de la version originelle de Tartuffe, mise en scène par Ivo Van Hove, d’après un texte reconstitué par Georges Forestier, professeur émérite de littérature française à la Sorbonne.

Les interprètes. Mais la pérennité de Molière, si elle doit beaucoup à son génie, doit tout autant à ceux qui l’ont servi. À commencer par sa propre épouse, Armande Béjart, pour qui il a écrit le rôle de Célimène dans Le Misanthrope. S’ensuivra une kyrielle de comédiennes et de comédiens jusqu’à nous, comme Jean Le Poulain, irrésistible bourgeois gentilhomme des années 50-60, Gérard Philipe, Francis Huster, Michel Bouquet, qui aurait interprété plus de quatre cents fois son maître ou Guillaume Gallienne, actuellement sur les planches dans Le Malade imagine. Sans oublier évidemment celui dont l’interprétation si personnelle au cinéma a ouvert la voie d’un nouveau public à L’Avare : Louis de Funès !

Le secret. Pourtant Molière, dont plus d’une trentaine d’œuvres ont révélé le génie, tout autant que les profondeurs du genre humain, n’aura jamais écrit une ligne sur lui. Comme si seule comptait l’œuvre. Cette célébrité demeure inconnue. Une vie où se mêlent légendes, incertitudes et rares vérités. Jusqu’en 1820, on ignorait même son acte de baptême, daté du 15 janvier 1622, qui détermina donc sa date de naissance, à un ou deux jours près. On le fit longtemps mourir sur scène, alors qu’il est établi qu’il rendit son dernier souffle, le 17 février 1673, chez lui, 40 rue de Richelieu, à Paris. Une mort subite qui intervint après avoir incarné l’hypocondriaque Argan. Ironie du sort pour un malade ce soir-là si peu imaginaire.

Reste l’héritage qui de siècle en siècle s’enrichit. Il est aussi celui de la France, dans ce qu’elle a de plus sacré, son génie des lettres. L’auteur, le comédien et le spectateur, en une indissociable trinité, assurent la traversée des âges. En ces temps difficiles pour la scène française, le plus grand hommage qu’on puisse encore rendre à Molière, c’est de retourner au théâtre !

 

 

Les croix perdues de la Légion d’honneur

 

Chaque année, en janvier, est publiée la liste des citoyens nommés ou promus dans l’ordre de la Légion d’honneur. Ceux-là vont, après leur réception, en arborer les insignes, marque de leur distinction.

Plaque de la Légion d’honneur brodée, uniforme de colonel de chasseur à cheval de la Garde impériale de Napoléon © Wk.

Bonaparte s’est-il demandé, lorsqu’il a créé la Légion d’honneur, quel serait le sort des étoiles ? L’on ne disait pas encore la croix en 1804. À l’origine, les chevaliers portaient du matin au soir, sur leur habit ou leur uniforme, ces insignes appendus au ruban rouge. Puis, le temps a passé et les légionnaires ont réduit la largeur du ruban, comme la taille de l’insigne, et n’ont sorti la croix de leur écrin qu’à l’occasion de cérémonies. Le grand chic aujourd’hui est de coudre le ruban rouge le plus fin possible au bord du revers de sa veste sans, surtout, ne jamais atteindre l’extrémité de la boutonnière. Est-ce pour éviter le fixe-ruban métallique, trop long, trop large et inélégant ? Bientôt, on fichera une épingle à tête rouge dans la couture de ladite veste.

 Lors des réceptions dans l’Ordre, on cherche en vain, à l’exception du récipiendaire et du représentant du Grand chancelier, les insignes bien visibles sur la poitrine des membres de l’Ordre présents. L’un des grands chanceliers avait envisagé une règle selon laquelle tous les membres de l’Ordre devaient arborer la croix lors des réceptions. Cela ne fut pas suivi d’effet. Dommage.

 Quelle mouche pique ceux qui ont véritablement rendu des services éminents à la nation et se contraignent à rougir devant le ruban rouge ? Les enfants en viennent à ne plus prendre en compte cet héritage. Quel est l’étalage des brocanteurs sur les marchés aux puces qui ne propose pas en vrac des Légion d’honneur ? Ces croix devenues anonymes sont mélangées à des épinglettes et autres colifichets et vendus à l’aune de l’oubli. Nous nous souvenons du capitaine de vaisseau B. qui, choqué par l’indifférence des héritiers qui se sont débarrassés de la Légion d’honneur de leur père, grand-père, les achetaient systématiquement. Il en a sauvé des dizaines et des dizaines. Dans un grand tiroir, ces croix orphelines soigneusement rangées retrouvaient un éclat qu’elles n’auraient jamais dû perdre.

Et si, à votre tour, vous remettiez à l’honneur les décorations de vos aïeux ? Une belle occasion de raconter leur histoire à vos enfants et petits-enfants.

 

Château d’Urtubie, la sentinelle du Pays Basque

À la fois maison de famille, monument ouvert à la visite et hôtel de charme, il dresse sa silhouette atypique à deux pas de Saint-Jean de Luz. Le château de Laurent et Odile de Coral recèle six siècles d’Histoire et le secret d’une lutte familiale digne des Montaigu et des Capulet.

À la proue d’un domaine de six hectares, sur la côte basque, Urtubie surveille la route de l’Espagne. Construit en 1341 par Martin de Tartas, avec l’aval d’Edouard III, roi d’Angleterre et duc d’Aquitaine, le château n’est d’abord qu’un donjon, encadré de quatre échauguettes. Après la fin de la guerre de Cent Ans, en 1463, Louis XI séjourne quelques jours sur le domaine pour rencontrer Henri IV de Castille. Il pratique le jeu de paume avec Jean de Montréal, son hôte par la grâce de son mariage avec Marie d’Urtubie, et l’invite à la cour. Jean y passera trente ans.

Déjà mère de deux enfants, lasse d’attendre en vain, Marie épouse en secondes noces un gentilhomme navarrais, Rodrigo d’Alzaté, à qui elle donne aussi descendance. La voilà bigame. Rodrigo décède à point, permettant à Jean, revenu de la cour, de réclamer sa femme et son château. Marie refuse. Quand Jean obtient gain de cause devant le parlement de Bordeaux, elle met le feu à Urtubie plutôt que de se rendre. Débute alors une nouvelle guerre de Cent Ans… entre Montréal et Alzaté, semées de coups de force, de recours et d’intervention royale. En 1574, enfin, Aimée de Montréal épouse Jean d’Alzaté, mettant un terme à la rivalité des deux familles.

En 1654, Salvat d’Urtubie fait ériger sa seigneurie en vicomté. Au château, agrandi et rénové au siècle précédent, il ajoute une chapelle bâtie sur les anciennes fortifications. Lors du mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne, à Saint-Jean-de-Luz, Salvat aurait reçu de Mazarin la collection de tapisseries de Bruxelles, qui orne toujours les murs d’Urtubie. Sept pièces du XVIe siècle représentant les épouses du roi David et David jeune avec Saül.

Au XVIIIe siècle s’éteint la lignée mâle des Alzaté d’Urtubie. Le château passe par les femmes. À l’orée du XXe siècle, il est ainsi transmis à Paul de Coral, issu d’une ancienne lignée limousine. Depuis 1996, Laurent de Coral est la quatrième génération du nom à veiller sur Urtubie. Avec son épouse, Odile, il s’attache à faire vivre le domaine qui accueille aujourd’hui un hôtel. Les siècles passent, Urtubie demeure. Avec son charme à nul autre pareil.

 © Château d'Urtubie

L’impudique fourchette anglaise

Les fourchettes sont au centre d’un conflit de savoir-vivre. En France, elles sont disposées les pointes en bas afin de laisser voir les gravures sur leur dos ; en Angleterre, au contraire, elles gisent le ventre à l’air, car outre-Manche, on grave les armes sur ce côté.

La fourchette est mécontente. Ce n’est pas d’aujourd’hui. Où est l’époque heureuse où Clémence de Hongrie l’avait inscrite dans son inventaire en 1328 ? Le temps a passé avec ses vicissitudes. On a raconté à son sujet qu’elle était arrivée dans le royaume de France, avec les bagages de Catherine de Médicis, alors que Charles V en avait déjà eu l’usage à la fin du quatorzième siècle. Il est vrai qu’à l’époque, elle était choyée comme un instrument de luxe. Se démultipliant comme dans les grandes familles, elle chercha à maintenir son rang en se vêtant uniquement d’argent massif.

Puis, elle parvint à se distinguer de la masse en faisant graver sur son manche des signes d’appartenance. Lorsque les maîtres d’hôtel dressent la table, la fourchette ainsi parée s’installe fièrement sur le côté gauche de l’assiette, laissant la cuiller et le couteau à sa droite. Sa famille s’agrandit naturellement ; elle ne compte plus ses petites cousines « spécialisées ». Si on lui en parle, elle se montre surprise par leur diversité, au moins une vingtaine, allant de la pliante à celle destinée au saucisson, en passant par d’autres réservées aux crustacés, melons, noix, etc. Jamais au grand jamais, on n’aurait imaginé que l’on utilisât une fourchette spécialisée pour le poisson. Ce sont les Anglais qui l’ont mise à la mode.

La bourgeoisie française du XIXe siècle, piquée par l’anglomanie, trouva très chic d’ajouter cet ustensile à sa ménagère. Parlons des Anglais justement. De l’autre côté de la Manche, la fourchette offrit au graveur l’intérieur de son… manche. La française haussa les épaules qu’elle n’a pas et méprisa cette manière peu orthodoxe. Qui oserait poser un si délicat instrument le ventre à l’air ? Hélas, c’était compter sans la perfidie de ces cousins qui insidieusement se faufilèrent sur les tables des restaurants, même de bonne renommée. Même sans gravure, toutes leurs fourchettes se présentent impudiques au côté des assiettes, les cuillers ayant suivi cette vilenie.

Les maîtres d’hôtel voient bien que nous retournons systématiquement les couverts dans le bon sens. Mais rien n’y fait. Et pour quelle raison ? « Parce que les pointes usent le tissu des nappes » dit un restaurateur. « Non, dit l’autre, un décret nous y oblige, pour des raisons de salubrité ; les pointes sur la nappe, ce n’est pas propre ». Ah, bas ! Nous soupçonnons la paresse de poser correctement les couverts d’y être pour quelque chose.

 

 © Christofle, Stephanie Nass

Fais pas ci, fais pas ça

« Fais pas ci, fais pas ça,

Viens ici, mets-toi là,

Attention prends pas froid,

Ou sinon gare à toi... »,

Jacques Dutronc.

Ces mots sur quelques notes de musique qui nous renvoient à ce que l’on a pu entendre étant enfant. Ce qui se fait, ce qui ne se fait pas… L’éducation à la française, c’est tout un art ! Elle nous est enviée dans le monde entier comme un parfait apprentissage du french art de vivre et du chic parisien. Notre style unique serait inné, nos bonnes manières tout à fait naturelles et l’élégance de nos gestes se transmettrait comme par magie de génération en génération… Il n’en est rien. Et c’est toute la valeur de notre éducation.

Déjà champions du monde de la politesse, les petits Français sont ceux qui disent le plus souvent « bonjour » et « merci ». Ces mots magiques leur sont appris dès les balbutiements. Une éducation logique et expliquée : le « merci » exprime la gratitude, puis très vite, cela devient « merci qui ? ». Alors que chez nos amis américains, un simple thank you suffit. Ces premières exigences sauront mettre l’enfant sur le droit chemin et l’adulte qu’il deviendra saura se montrer attentionné et se distinguer parmi d’autres, plus pragmatiques. Un premier pas dans le monde…

Si la politesse, qui va de pair avec le respect, est déjà un passeport pour se voir ouvrir les plus grandes portes, connaître les bonnes manières en est la clef. Cet apprentissage peut se faire dès le plus jeune âge, avec pédagogie, mais aussi avec humour et légèreté. Et, très bonne nouvelle, c’est beaucoup plus facile et tout aussi important qu’un diplôme de grande école !

C’est l’un des malheurs de la jeune Sophie d’hier, décrite par la comtesse de Ségur comme colérique, menteuse et méchante, qui va devenir douce, sage et raisonnable. Que s’est-il passé ? Une prise de conscience. Lorsqu’un enfant est souriant, agréable et agit avec de bonnes manières, il est aimé de tous. Il peut être beau et brillant, sportif et intelligent, s’il n’a pas les codes de bonne conduite, il lui manquera le sésame qui ouvre toutes les portes et surtout les cœurs.

Si votre enfant ne sait ni quoi dire ni quoi faire ou s’il est tout simplement timide, enseignez-lui le sourire. Comme le préconisait « Saint-Ex » – pour les intimes – « Un sourire est souvent l’essentiel. On est payé par un sourire. On est récompensé par un sourire. » Et puis, bien sûr, lui éviter les formules malheureuses comme « des fois », « miiiince », « monsieur Charles » ou encore un joyeux « bon appétit » lancé à la cantonade. Lui éviter aussi les écarts comme les coudes sur la table…

Et si vous lui faisiez adopter ces bonnes résolutions en 2022 ? Comme à la rentrée, il va adorer remplir un cahier neuf et pourra écrire sur des pages blanches des formules magiques ! Et, pour reprendre les mots de Nicole Lambert dans la préface des 10 clefs des bonnes manières : « Merci à vous parents et grands-parents, car grâce à vous le monde sera peuplé d’enfants bien élevés, qui deviendront des adultes agréables à fréquenter. »

© Illustration de by • bm 

« Le carnet doré », un conte de Noël

La bibliothèque avait été installée au-dessus de la chapelle. On y accédait par un escalier un peu raide qui butait contre une double porte. Quelques marches permettaient enfin de pénétrer dans la vaste pièce chargée de livres. Il y avait là, sur les rayonnages l’accumulation d’une dizaine de générations.

Les reliures, un peu fatiguées il est vrai, du XVIIe siècle voisinaient avec celles du XVIIIe siècle qui, elles-mêmes, frayaient avec celles du XIXe et… plus rien. Tout ce qui était sorti des presses au dernier siècle était broché, et si l’on y regardait de plus près, on s’apercevait que ces livres-là dataient tout au plus de ses premières années. À l’exception de quelques revues, la bibliothèque s’était figée et avait commencé à accumuler, non de nouveaux ouvrages, mais la poussière. Qui s’intéressait encore aux chartriers du domaine dont il ne restait plus que des lambeaux de parc ? Il y avait bien quelques curiosités comme ces anciens traités de civilité, des ouvrages consacrés à la vinification, quelques récits de voyage, de l’histoire en pagaille. Quant à la littérature. Rien, sinon l’édition des Œuvres de Chateaubriand, celle de 1831, en 31 volumes qui formaient une barre verte sur le rayon du meuble en noisetier adossé au mur sur la gauche. C’est d’ailleurs là que se trouvaient les ouvrages les plus intéressants et les mieux conservés. Le visiteur contemplait tout ceux-là avec l’œil exercé de celui qui était leur familier.

Par l’une des fenêtres, celle sur le rebord de laquelle, avait été déposée cette sculpture en bois représentant un ange, on devinait la nature saisie par le froid. Les branches du vieil arbre qui dominait la serre, plus bas, hésitaient à se balancer. La neige n’était pas venue le recouvrir cette année-là. On associe toujours Noël avec la neige. Elles sont finalement rares les Nativités enneigées. De cette partie de la maison, on était isolé, et l’on n’entendait pas les cris et les rires des enfants occupés à préparer le sapin et la crèche. À table, tout à l’heure, les uns et les autres, surtout les plus petits, supputeraient les cadeaux qu’ils allaient recevoir. Ils avaient émis des souhaits, mais savaient que leurs vœux n’étaient pas toujours exaucés. Dans ce léger vacarme, la vieille tante Jeanne ne disait rien – pour une fois. Ses doigts griffaient machinalement la nappe, jetant par ce geste des petits éclairs échappés de sa bague. Elle semblait perdue dans ses pensées. Soudain, elle se redressa et, comme parlant à elle-même, lança : « Autrefois… » Puis elle se tut. Nous savions tous que cette interjection était comme une invitation à l’écouter et à vivre, par ses mots, ces temps anciens que même les plus âgés n’avaient pas connus.

Tante Jeanne parlait d’un carnet, d’un carnet relié orné de fers dorés que son père sortait toujours d’un tiroir de son bureau au moment de Noël. Elle revoyait ce petit livre dont la plus grande partie des pages étaient couvertes par sa fine écriture. Il y notait uniquement les événements qui s’étaient déroulés durant chaque Noël. Les présents, les absents, les invités, les menus, les décorations, les cadeaux… quoique, précisa la tante, à l’époque, les enfants n’étaient pas inondés de cadeaux comme aujourd’hui. Et d’ailleurs, la tradition du sapin était récente. Nous voulions bien la croire, tante Jeanne était notre mémoire. Le père Noël n’avait jamais baigné son enfance, c’était l’Enfant Jésus qui déposait les cadeaux que l’on découvrait au petit matin, ou, pour les plus grands, après la messe de minuit, célébrée dans la chapelle à l’autre bout de la maison. Le carnet doré avait disparu, emporté peut-être par un hôte de passage, de la famille ou non. La tante l’avait vainement cherché dans toute la maison. Tellement de générations étaient passées par-là. Qu’était devenu le petit livre ?

Jean, l’aîné des petits-neveux, regarda les rayonnages de la bibliothèque, comme s’il pouvait en voir échapper un rayon doré, une lueur formée par les fers dorés d’une reliure ancienne. Il connaissait tous les livres et leur emplacement pour les avoir rangés, alignés, nettoyés et frottés. En cette après-midi du 24 décembre, veille de Noël, il aurait bien aimé faire plaisir à sa tante et retrouver le carnet doré pour le lui offrir. Il décida de descendre à la chapelle où plus personne ne pénétrait, où la dernière messe célébrée remontait au mariage de sa dernière sœur. Il se dirigea sans réfléchir vers le placard qui faisait office de sacristie. Il y avait là, dans cette armoire, une caisse qu’il savait contenir des lambeaux de crèche. Un seul personnage était intact, un des rois mages. Au lieu de la boîte de myrrhe, il serrait contre sa poitrine peinturlurée, un carnet doré. 

Photograhie : L. von Kalckreuth, Enfants près de l'arbre de Noël, début du XXe siècle, National Museum, Warsaw © cyfrowe.mnw.art.

 

L’or, l’encens et la myrrhe

Il n’est pas de fête chrétienne plus connue que Noël. Ni qui mêle autant l’ancien monde païen à l’alliance nouvelle. Déjà guidés par l’Étoile, les mages décrits dans saint Matthieu sont en marche vers Bethléem où le Christ naît le 25 décembre.

« Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem en disant : “Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage.” » Seul, des quatre évangélistes, Matthieu note l’existence de ces « mages venus d’Orient » et révèle leur rôle crucial. C’est d’eux que Hérode apprend la venue au monde d’un autre roi des Juifs. Hanté par la terreur du complot, il assemble grands prêtres et scribes, qui extraient du livre du prophète Michée la citation désignant Bethléem comme lieu de naissance de « celui qui doit régner sur Israël ».

Hérode y envoie les mages guidés de nouveau par l’astre dont la course va s’arrêter « au-dessus de l’endroit où était l’enfant ». Les voyageurs se prosternent aussitôt et présentent à Jésus leurs offrandes. Ces mages sont des étrangers, des païens ou Gentils selon l’expression même des juifs. Et ce sont eux qui identifient Jésus comme le messie, eux qui lui offrent l’or qui célèbre le roi, l’encens qui honore le dieu, la myrrhe qui accompagne la mort et annonce l’holocauste rédempteur. Les mages symbolisent la rupture de l’alliance ancienne et l’apparition de l’alliance nouvelle.« Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem en disant : “Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu, en effet, son astre à son lever et sommes venus lui rendre hommage.” » Seul, des quatre évangélistes, Matthieu note l’existence de ces « mages venus d’Orient » et révèle leur rôle crucial. C’est d’eux que Hérode apprend la venue au monde d’un autre roi des Juifs. Hanté par la terreur du complot, il assemble grands prêtres et scribes, qui extraient du livre du prophète Michée la citation désignant Bethléem comme lieu de naissance de « celui qui doit régner sur Israël ».

Ils sont venus d’Orient, de Chaldée, la patrie de l’astrologie, selon les historiens, ou de Perse. De cette seconde hypothèse découle une symbolique troublante. La Perse est le berceau du culte à mystères de Mithra, étendu par la suite à Athènes et Rome. Il s’agit d’une adoration trinitaire et solaire englobant Mithra-sauveur, Hélios-roi son père et le soleil sensible.

Mithra est né d’une vierge, au fond d’une grotte, un 25 décembre, jour du solstice d’hiver… comme le Christ. Et, comme le Christ, Mithra est retourné vers le père après trente-trois ans de vie. Ainsi, ce n’est pas un hasard si l’iconographie byzantine du VIe siècle de notre ère figure des mages portant le bonnet phrygien des prêtres de Mithra.

Les mages représentent non seulement le monde païen mais surtout le monde entier, l’universalité. Voilà pourquoi Matthieu spécifie qu’ils viennent d’Orient, c’est-à-dire de là où le soleil se lève, des extrémités de la terre. Ils incarnent les nations païennes converties au christianisme. Les premiers témoins de la Bonne Nouvelle.

Photographie : Benozzo Gozzoli, Procession des Rois mages, fresque du mur de la chapelle des Mages, Florence, 1459-1460 © J.-L. Mazieres, Flickr.

 

Éloge de l’hiver

L’hiver fait semblant d’être une saison. Il est beaucoup plus que ça. C’est une surprise. C’est un cadeau. On se réveille un jour et dehors tout est blanc. C’est le premier matin du monde.

Le paysage ressemble à l’enfance. On rêve de moufles et de batailles de boules de neige. La fin de Tirez sur le pianiste saute soudain à l’esprit, avec le corps de Marie Dubois dévalant une pente montagneuse.

L’espace de quelques semaines, Paris se situe dans les Alpes. La nuit, les bruits ne sont plus les mêmes. Des guirlandes brillent sur les avenues. La météo donne à la lumière d’autres couleurs. Il y a mille choses à faire : décorer le sapin de Noël, remettre une bûche dans la cheminée, servir du vin chaud. L’air est plus vif. Un vent froid souffle dans les rues. Cela a le don d’éliminer les touristes en short. On se croirait dans un vieux Simenon. Les promeneurs poussent de petits nuages devant leur bouche. Les enfants ont le nez rouge. Les femmes enfouissent leur beauté dans des écharpes. L’hiver leur va comme un gant. Les cafés sont remplis de fumée.

On a des envies de poudreuse et de pistes noires, du cliquetis des télésièges et de descentes aux flambeaux. La vulgarité, si visible en été, est inscrite aux abonnés absents. On a l’impression qu’il fait nuit tout le temps. Quelle paix ! Les dimanches s’écoulent lentement, à lire un bon gros roman anglais sous la couette en croquant dans des tartines à la confiture ou à se repasser le DVD des Bronzés font du ski. Qui va-t-on inviter pour le Nouvel An ? Ah non, pas de raclette, svp.

L’hiver n’est plus ce qu’il était, dit-on. Le réchauffement climatique lui veut du mal. Il faut arrêter ça. L’homme moderne aura toujours besoin de banquises et d’ours polaires (quand l’auteur de ces lignes ne se surveille pas, c’est Greta Thunberg qui s’empare de son stylo…). L’hiver a un seul défaut : il ne dure que trois mois.

Photographie © Flickr

Le BM fait peau neuve

‍Il y a près d’un an, nous avons pris l’engagement de construire avec vous le BM de demain. Depuis cette promesse, une équipe s’affaire en coulisse. Mais que vous concocte-t-elle ?

Réponse aujourd’hui…

Et si nous commencions par le commencement ? Depuis 1903, le BM porte des milliers de familles, des milliers d’histoires. Il se dit « mondain », car attaché aux bienfaits de ce « monde ». La Terre, les racines. Il est l’incarnation d’une certaine histoire, vecteur à la fois du passé, du présent et de l’avenir. En ce sens, il s’adapte aux modernités de notre siècle et vient embrasser les nouvelles formes de communication et d’échanges.

Lecteurs assidus de notre newsletter hebdomadaire, nous n’en doutons pas, vous avez pu noter l’évolution du format et des contenus. Chaque vendredi, un journaliste, un écrivain, un historien – et pas des moindres – prend sa plume pour partager avec vous un billet. Le ton est volontairement rieur et nous nous interdisons de céder à l’abattement général véhiculé par tant de médias. Chez nous, au contraire de certaines institutions, les mots « Madame », « Monsieur », « Marie », « Joseph » et « Noël »* ne sont pas interdits… loin de là.

Autre nouveauté que nous sommes fiers de vous annoncer cette semaine : la mise en ligne d’un site Internet aux formes graphiques repensées. Nous l’avons voulu moderne et élégant, à l’image de ses membres, et plus facile à utiliser. Vous y découvrirez les plus belles demeures et jardins, notre fameux guide du savoir-vivre – si pratique – et notre boutique aux couleurs acidulées. Dans quelques mois, vous pourrez consulter le carnet mondain en un clic, poster des petites annonces plus attractives, mettre à jour votre mention et partager avec nous des documents en ligne… Patience !

Parce que le Bottin Mondain veut parler à toutes les générations et faciliter les échanges, nous avons créé nos pages sur les réseaux sociaux. Vous pouvez dorénavant nous suivre sur Linkedin, Facebook, Instagram et être informés en temps réel de toutes nos actualités. Chaque mois, nous vous offrons la possibilité de participer à des conférences, salons, cocktails… autant d’occasions de vous rencontrer et de partager sur des sujets qui vous tiennent à cœur. Nous avons concentré nos efforts sur Paris cette année, mais nous n’oublions pas pour autant les autres régions de France, qui nous sont chères. Votre tour viendra.

De nombreuses évolutions sont encore à venir. Mais nous maintiendrons le suspense et vous les dévoilerons au fur et à mesure. En attendant, bottinez, soyez « mondains » et fiers de l’être !

* Nous faisons référence à un article paru cette semaine dans Le Figaro, mercredi 1er décembre 2021.

À décoder !

Le « code » ? Voilà un mot dont on ne peut plus se passer, car il fait désormais partie de notre quotidien. Il est devenu à la fois indispensable et magique. Pourtant, on aurait tendance à oublier que ce mot, du latin « codex », « registre écrit », désigne par extension l’ensemble des lois répertoriées dans les ouvrages juridiques. Loin de nous cependant d’imaginer que si nous oublions nos codes, nous pourrions être hors la loi. Quoique…

Il fut une époque bénie des dieux, et pas si lointaine, où les numéros de téléphone de quatre chiffres étaient précédés de résonnances aussi poétiques et bucoliques que Jasmin, Bagatelle ou Auteuil. Les enveloppes de courrier fleuraient l’exotisme, fût-il hexagonal, parce que l’on pouvait y lire des noms pittoresques comme l’Ille-et-Vilaine, le Doubs ou la Meurthe-et-Moselle…

Autres temps, autres mœurs puisque notre quotidien est de plus en plus aliéné à l’usage des codes et autres mots de passe, ce nouvel esclavagisme des temps modernes qui fait que dès potron-minet, après avoir ouvert facilement son téléphone portable grâce à un simple code, il ne nous reste qu’à déverrouiller une carte SIM qui nous fait savoir d’une façon comminatoire, alors que l’on est encore tout embué des vapeurs de la nuit, que nous n’avons plus que trois tentatives restantes (sic).

C’est peu dire que voilà une journée qui commence bien, car le pire reste à venir avec le code du parking, le re-code pour l’autoradio et le re-re-code pour ouvrir une demi-heure plus tard le parking du bureau. Journée donc sans histoires où l’on devra cependant ne pas confondre le code de sa carte bancaire personnelle avec celui de la carte de la société pour inviter quelques clients au restaurant, non sans avoir vérifié que leur QR code est bien à jour. Retour au bureau, puis réserver des billets de train pour les vacances scolaires des enfants sur le site de la SNCF après avoir introduit son mot de passe, à condition qu’il y ait au moins deux caractères, un chiffre, pas d’espace, une majuscule et aucun signe de ponctuation ou d’exclamation…

Déjà 19 heures ? Il est temps de se préparer pour aller dîner en vérifiant bien avec belle-maman que les codes pour ouvrir ses deux portes cochères n’ont pas été modifiés…

 

Eugénie en majesté

 

Avec l’inauguration prochaine d’un musée dédié à l’impératrice Eugénie au château de Compiègne, en plus du dévoilement de son buste par Albert II à Monaco, la dernière souveraine des Français n’est pas près de se faire oublier…

Vers 1910, une femme voilée appuyée sur sa canne cueille une rose dans le jardin des Tuileries. Un gardien accourt et lui fait remarquer qu’il est interdit de le faire dans un parc public. Étonnée, la vieille dame soulève son voile et d’une voix venue des profondeurs de l’histoire explique : « Je suis l’impératrice Eugénie et ces fleurs formaient une corbeille devant ma chambre, avant que ne soit détruit le palais des Tuileries » ! On imagine la stupeur du cerbère, quarante ans s’étaient écoulés depuis la fin du Second Empire…

Il y a quelque chose d’un peu shakespearien dans l’incroyable destin de l’impératrice Eugénie. À l’Empereur Napoléon III, la jeune espagnole avait expliqué en 1853, « que le chemin qui conduisait à sa chambre passait d’abord par l’autel ». Elle régna moins sur le cœur de cet époux volage que sur celui d’un régime dont elle personnifia la grâce, encouragea les arts et mit à la mode quantité de villégiatures comme Biarritz. Après le désastre franco-allemand de 1870, qui doit beaucoup à sa mauvaise influence, elle devint pour les Français « lEspagnole », comme Marie-Antoinette avait été « lAutrichienne ».

Eugénie promena son ombre un demi-siècle durant entre l’Angleterre où la reine Victoria, amie fidèle, l’avait recueillie, jusqu’à la villa Cyrnos qu’elle fit élever au Cap Martin. Jean Cocteau y vint la rencontrer et raconte dans Portraits souvenir, cette entrevue quelque peu irréelle. Sur son chemin de gloire, Eugénie connut des détours tragiques comme la mort de son fils unique, le prince impérial, tombé en Afrique du Sud, le corps transpercé des sagaies du peuple Zoulou.

Après la guerre de 1914, elle donne à Clémenceau une lettre qu’elle avait reçue jadis de Guillaume Ier et dont le contenu aida le Tigre à obtenir l’Alsace-Loraine. Pourtant, lorsque Eugénie meurt en 1920, à l’âge de 91 ans, à Madrid, la République (française), dans une mesquinerie dont elle a parfois le mauvais génie, refusera de s’associer aux funérailles d’État que le roi Alphonse XIII conduit en personne. La dernière souveraine ayant régné sur la France repose à l’abbaye de Farnborough, près de Londres, avec son mari et son fils.

Photo : F.X Winterhalter, L'Impératrice Eugénie entourée de ses dames d’honneur, 1855, Château de Compiègne © Flickr, Art Gallery

 

La chevalière au doigt, j’assume !

Il est un mot qui n’appartient qu’à ceux qui peuvent le traduire : la checheu. Celui qui porte une chevalière, un bijou qui est devenu un signe de ralliement.

Est-ce vrai ? Toujours est-il que ceux qui portent une chevalière armoriée l’assument, comme le dit un groupe sur Facebook. La chevalière serait ainsi nommée parce qu’elle est imitée de celle que portaient les chevaliers romains. Quant aux armoiries gravées, elles sont issues des cachets que l’on apposait sur de la cire, à l’aide d’un manche. L’usage immodéré de la chevalière armoriée est assez récent. Un joaillier a organisé une réunion dans un appartement privé afin de présenter différents types de chevalières. En un après-midi, il enregistra une vingtaine de commandes. Il est vrai qu’il était à Versailles.

Certains se sont imposé des règles sur le port de cette bague : tournée au bout des doigts avant le mariage, et vers le dos de la main quand on est marié, ou l’inverse, selon les usages familiaux. Nul ne sera précipité au bûcher s’il ne suit pas cette charte. On porte généralement la chevalière à l’annulaire gauche, par-dessus l’alliance pour les hommes mariés ; à l’auriculaire gauche, à côté de la bague de fiançailles, pour les femmes. Les Britanniques la portent généralement à l’auriculaire de la main gauche. C’est assez mal vu chez nous. Ce qui, après tout, n’a guère d’importance. Le bijou doit être en or massif. Quoique quelques-uns préfèrent y insérer une pierre semi-précieuse, généralement du lapis-lazuli, pour y recueillir la gravure.

Quant à la forme des écus, on a le choix entre l’ancien et le moderne. Le losange des demoiselles a tendance à disparaître au profit de l’écu. Est-ce la crainte de ne pas se marier ? Les dames disposent dans deux ovales sous la couronne – s’il y en a – leurs armoiries accolées à celles de leur époux. Les Français affichent leurs armoiries complètes, timbres et tenants, voire devise. Bien que l’on préférât plus de discrétion. Justement qu’en est-il des timbres autrement dit les couronnes ? Ceci est une autre histoire.

Qu’ajouter de plus ? Il est du meilleur ton de porter la chevalière ancienne, un peu usée. Celle de grand-père, par exemple. 

 

Photo : Première cire d'une chevalière, qui permet d'apprécier la qualité de la gravure © Joaillier Rouxel Frères

 

Un repas : à la bonne heure !

S’il est toujours agréable de recevoir une invitation, on sera parfois surpris de la formule : « Venez manger ! » Voilà qui est convivial, mais puisque la langue française nous offre le luxe de désigner chaque repas par un terme différent, pourquoi s’en priver ?

Entre deux mots, faut-il choisir le moindre ou le plus approprié ? Si certains peuvent être de même nature, le sens commun a pu les faire évoluer : « il dîna d’un croissant » (Roger Martin du Gard), « déjeunant seul avec du thé » (Charles Baudelaire). Messieurs les écrivains, il n’a pas toujours été aisé de savoir quelle expression employer et bonne chance à la maîtresse de maison qui se serait mis en tête de vous inviter à sa table !

Heureusement, de nos jours, les usages sont plus clairement établis. On petit-déjeune le matin, on déjeune à midi, on prend un encas au goûter – c’est facultatif – dans l’après-midi, on dîne le soir et l’on soupe tard dans la soirée. Mais, de plus en plus rarement, même chez les nostalgiques, on ne soupe plus, on dîne. On pourrait alors penser que tout cela se différencie uniquement en fonction des heures de la journée. L’affaire n’est pas aussi simple.

Dîner et déjeuner sont ce qu’on appelle des doublets. Ils ont la même étymologie, disjunare, « rompre le jeûne ». Or, si déjeuner s’emploie encore aujourd’hui dans ce sens – quoique le jeûne ait été légèrement rompu par l’ami Ricoré au petit déjeuner –, dîner consiste à passer à table le soir, sauf à la campagne où l’on dîne plutôt à midi et où l’on soupe le soir.

On imagine aisément le casse-tête que doit être pour un étranger le choix du terme approprié : le citadin va l’emmener à un dîner en ville, le campagnard va lui proposer de rester dîner à midi ou de prolonger par un souper, la famille Manet va le convier à un déjeuner sur l’herbe… Il ne manquerait plus qu’il soit invité à un lunch de mariage en fin d’après-midi, ce qui pour un Anglo-Saxon serait le comble de la confusion, car le lunch est toujours une collation de la mi-journée.

Déjeuner, cocktail, dîner… ou brunch pour les plus « branchés », voilà un vaste choix pour lancer vos invitations !

 

Photo : J.-F. de Troy, Le déjeuner d’huîtres, 1735 © Flickr, J.-L Mazieres

 

À la Toussaint, sonnez la Trompe de chasse

Alors que sera fêtée dans quelques jours la Saint-Hubert, les sonneurs célèbreront également le premier anniversaire de l’inscription de la trompe de chasse au patrimoine immatériel de l’Unesco. Coup de projecteur sur cet instrument à vent méconnu.

Comment ne pas songer au mythique olifant de Roland, au temps de Charlemagne ? Corne, cor, huchet, graile, araine… furent autant d’ancêtres de la trompe de chasse au Moyen Âge. Voilà qui nourrit l’imaginaire… Il faut ensuite attendre le XVIe siècle, avec les développements de la métallurgie, pour que soient techniquement possibles des fabrications de plus grande longueur et d’une tessiture plus importante.

Sous l’Ancien Régime, les plus grands compositeurs parsemèrent leurs partitions de pièces pour trompe afin de magnifier les divertissements royaux. Témoignage des fastes de la cour des Bourbons, la pratique de l’instrument fut reprise dans toutes les cours princières d’Europe. Après la Révolution, c’est son utilisation lors des chasses à courre qui la sauva et c’est alors le ton de vénerie qui s’imposa avec les « tayauts », hourvaris et vibratos…

De nos jours, quelques notes de trompe et c’est tout un folklore qui s’offre à nos oreilles. Grâce à la Fondation pour le rayonnement de la trompe musicale, elle brille dans les hauts lieux patrimoniaux : hôtel des Invalides, Arc de triomphe, palais de la Légion d’honneur, Palais-Royal, Chapelle expiatoire, châteaux de Versailles et de Malmaison, basilique de Montmartre, hôtel de Guénégaud… Le Débuché de Paris, le Rallye atlantique, les Échos de la jeunesse, le Rallye trompes des Vosges, le Quatuor royal Dampierre, pour ne citer qu’eux, s’y produisent pour des manifestations nationales.

Des compositeurs œuvrent toujours pour offrir des pièces musicales pour trompe, tels Sylvain Oudot, Christian Conte, Nicolas Dromer ou encore Olivier d’Ormesson, Thierry Escaich, Philippe Hersant, Lionel Sow, Henri Chalet… De nouvelles générations se préparent à prendre la relève et, si la transmission demeure surtout orale, l’apprentissage de l’instrument tend à se professionnaliser. Des cours sont professés en conservatoires, des méthodes publiées, des écoles créées et reconnues par les instances ministérielles.

Vous l’aurez compris, la trompe est en fête et sonnera joyeusement mercredi 3 novembre en hommage à saint Hubert.

 

Photo : Commémoration du centenaire de la consécration du Sacré Cœur de Montmartre en 2020 © Bérangère Lomont, FRTM

 

Sang bleu... palsambleu !

On dit que le sang des nobles est bleu. Les explications autour de ce constat sont aussi belles que légendaires. Cette image ne résiste pourtant pas aux blessures. Leur sang est aussi rouge que celui de tous les mortels. Et pourtant… 

Certains individus seraient donc différents du commun des mortels, grâce à la couleur de leur sang. Les nobles, par exemple, l’auraient bleue. De quoi faire sourire, mais la légende est tenace, même si personne n’y croit. Les explications sur l’origine de cet état particulier sont relativement peu nombreuses et pourraient ressembler à des poèmes. Le chevalier ne pouvait posséder qu’une âme pure comme un ciel bleu sans nuages, sa peau si délicate laissant apparaître des veines de la même teinte. Tournons-nous davantage vers l’Histoire.

« On leur a souvent reproché leurs privilèges, mais le plus fréquent, le plus aimé de ces privilèges fut celui de verser leur sang » (René de Belleval, 1837-1900). L’impôt du sang ! Une taxe fixée sans aucune loi, sinon celle d’une profonde tradition militaire au sein de laquelle le sens de l’honneur implique le don suprême. Sur tous les champs de bataille « et les combats meurtriers du sursaut », selon les mots de Christian de Bartillat (1930-2012), les nobles ont servi. Bien sûr, la couleur de leur sang est la même que celle des autres héros et martyrs. Le langage populaire aime, à travers ses déformations, créer des images qui deviennent des légendes. « Par le sang de Dieu », lança sans doute un jour un chevalier. Palsambleu ! répétèrent les preux en bousculant les syllabes, car cela sonnait mieux à leurs oreilles en s’élançant au combat. Ces courageux-là ont le sang bleu, constatèrent les servants d’armes dont le protège-joue de leur cabasset bouchait quelque peu leur ouïe.

Faut-il l’avouer, sang bleu s’acoquina avec les jurons. Cela ne plut pas au roi Philippe-Auguste qui, en 1181, fit condamner les nobles de son domaine qui prononceraient têtebleu, ventrebleu, corbleu, sangbleu, à payer une amende, et les roturiers à être noyés. On ne badine pas avec le sang de Dieu... Et Molière, qui s’en moquait, fit dire par Alceste, le misanthrope : « Par le sangbleu, messieurs, je ne croyais pas être si plaisant que je suis. ». De leur côté les chevaliers, eux, avaient composé une devise que leurs descendants ne cessèrent de reprendre : « À l’amour comme à la guerre, au plaisir comme à la mort. »

Palsambleu, tonnerre !

 

Photo : Conte le Sauveur, Les actions du Grand Condé. Le passage du Rhin, Château de Chantilly © Bridgemanimages

 

Les reliques de Marie-Antoinette

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Plus de 200 ans après sa mort, la reine Marie-Antoinette reste dans tous les esprits. Alors qu’une série lui sera bientôt consacrée sur nos petits écrans, ce sont ses bracelets en diamants qui seront vendus le 9 novembre prochain à Genève. L’occasion de se pencher sur un phénomène : le moindre objet lui ayant appartenu est devenu une relique et participe à la dévotion qui l’entoure.

La reine Marie-Antoinette a été guillotinée le 16 octobre 1793 après un procès inique dont le temps n’est pas parvenu à effacer l’horreur. Celle qui avait été traitée avec mépris d’Autrichienne par la cour, car l’on pensait qu’elle était totalement dévolue à la politique menée par son frère Joseph II, endossa pourtant son rôle de Reine de France. Son martyr et son courage, balayant sa frivolité, l’ont élevée sur un autel sur lequel elle ne cesse de recevoir des hommages depuis plus de deux siècles. Le moindre objet lui ayant appartenu est considéré comme une relique. Depuis quelques années, outre les meubles réalisés pour ses appartements, les bustes et portraits, des morceaux de dentelle, un éventail, un coffre, un fichu et des souliers sont passés sous le marteau des commissaires-priseurs pour la plus grande joie des collectionneurs. Collectionneur n’est peut-être pas le terme exact qui leur convient. Nous oserions les qualifier d’adeptes.

Désormais nous sommes aux aguets. Chaque souvenir fait revivre Marie-Antoinette. Il y a quelques mois resurgissait son pendentif en diamants orné d’une imposante perle naturelle. Et voici deux bracelets composés de 112 diamants de taille ancienne, allant à peu près d’un carat pour les plus petits jusqu’à plus de quatre carats, répartis pour chacun sur trois rangées. Ces bijoux ont été commandés auprès du bijoutier Charles Auguste Boehmer à Paris en 1776 et seront bientôt présentés à l’occasion d’une vente aux enchères à Genève. Parvenus entre les mains de Madame Royale, ils ont été légués à sa nièce la duchesse de Parme. Quel sort réserver aujourd’hui à ce fragment d’histoire ? La vitrine d’un musée ou un poignet délicat ?

Cet intérêt autant affectif qu’historique rappelle une anecdote, apocryphe bien sûr, racontée par Michel de Saint-Pierre dans l’un de ses romans. Des visiteurs dans une propriété se mettaient à genoux devant une vitrine où était exposée la tasse dans laquelle Marie-Antoinette avait bu pour la dernière fois. Cette tasse a été démultipliée depuis lors, mais la force de la relique l’emporte sur la raison.

Photo : E. Vigée Le Brun, Portrait de Marie-Antoinette © Flickr

 

Y a pas de soucis !

Et si on faisait la chasse aux mots flous et vagues, creux et inutiles qui polluent, qui irritent, bref qui agacent notre langue au quotidien ? Il y a donc urgence à s’inscrire en faux contre cette problématique en essayant de trouver un consensus franco-français au niveau de cette dangerosité. Alors, bon courage ! Et à plus !

Y a pas de soucis ? Si justement il y en a un… Avec cette interjection amputée du pronom il, notre interlocuteur vendeur dans une grande enseigne veut nous rassurer : nous serons livrés à temps. Mais nous aurions tort de prendre cette phrase à la lettre et cet indicatif devrait nous interpeller.

En effet, on devrait plutôt utiliser le futur et dire Y aura pas de soucis. Il est vrai qu’au jour d’aujourd’hui, c’est tout et n’importe quoi. Voilà un double pléonasme formé de « au jour » et de « hui » du latin « hodie » (ce jour) et signifie donc « au jour de ce jour » et pourquoi pas alors « hier d’hier » !

J’ai envie de dire aussi que nul besoin d’utiliser tout à fait à tout bout de phrase pour dire tout simplement « oui ». Là, c’est vraiment la totale, car nous risquons tous de voir nos enfants le jour de leur mariage répondre tout à fait au lieu de « oui » au curé ou au maire.

À propos de mariage, votre fille sera sans doute ravissante après son passage chez le coiffeur… Rien à voir avec la rose de François de Malherbe* qui a vécu « ce que vivent les roses, l’espace d’un matin ». Souhaitons que cette journée de mariage soit jubilatoire, à moins que les jeunes mariés aient fait quelque part une erreur de casting.

Alors, bonne fin de journée et surtout bonne continuation !

 

* François de Malherbe (1555-1628), poète et puriste, s’employa à instituer une langue compréhensible par tous. Avant de mourir, dans une espèce d’agonie, il se réveille pour gronder sa garde-malade qui s’est servie d’un mot impropre. Comme un ami le somme de rester tranquille, il répond brusquement : « Je maintiendrai jusqu’au bout la pureté de la langue française. »

Gravure revisitée : François de Malherbe (1555-1628)

 

Le repas, tout un art !

La table est l’un des plus beaux arts français, tant pour les mets que pour la vaisselle, les plats et la manière dont on les dispose. À l’occasion des dix ans du classement du repas gastronomique des Français par l’Unesco, offrons-nous de revenir sur quelques anecdotes historiques.

« Dresser la table », voilà une formule qui nous vient du Moyen Âge. L’on dînait alors où bon nous semblait, sur des tréteaux et des planches. C’est seulement à la fin du XVIIIe siècle que sont apparues les premières salles à manger.

Rien de mieux qu’une fourchette pour goûter les plats. Cet instrument n’est pas, contrairement à une idée reçue, une invention de la Renaissance. Le roi Charles V l’utilisait dès 1380. Bien plus tard, les convives eurent à choisir sur leur table couverte d’une pléthore de plats chauds, des entrées, des petites terrines, des relevés, des grands entremets, des moyens, des rosts…

Tout au long des siècles, les services rivalisèrent d’élégance et d’inventions, comme offre de le découvrir l’exposition « À table » à la Manufacture de Sèvres. La théière en forme de dragon, attribuée à la manufacture de Sceaux ou de Niderviller vers 1760, pourrait remporter la palme de l’originalité. Verres, couverts, pots, rafraîchissoirs, tasses, plats, orfèvreries, et surtout pièces de formes rivalisent d’inventions. Les terrines y trouvent leur belle part en donnant l’illusion de têtes de sanglier, de dindons, de faisans et même de salades. Les trompes l’œil feraient presque saliver de gourmandise. Une reconstitution d’un dressoir en faïences de Nevers des années 1660 à 1680 peut se comparer à la toile de François Desportes (1661-1743), figurant un buffet plus élégant qu’appétissant.

La nouvelle ère de la gastronomie est sans doute plus sobre, mais non exempte de créations. Témoin, le « service Bleu Élysée » par Évariste Richer, composé en 2008 de 1200 assiettes de présentation. Disposées selon un code précis, elles offrent le plan du palais de l’Élysée. Un véritable jeu pour les cuisiniers et les visiteurs.

Oui, « le repas tout un art » comme le souligne la Manufacture de Sèvres, qui présente l’une des plus belles expositions qui lui est consacrée. Ne tardez pas ! Clap de fin le 24 octobre.

 

Photo : Reconstitution d'un dressoir en faïence de Nevers © Pascal Rostain / Sèvres- Manufacture et Musée nationaux

À chaque siècle, son jardin

Les parcs des plus grands châteaux français témoignent du rapport entre l’homme et la nature depuis des siècles. Les rois et les princes de France ont fait appel aux meilleurs jardiniers de leur temps, véritables architectes paysagistes. Le château de Chantilly n’échappe pas à la règle et offre un panorama exceptionnel de l’art du jardin occidental.

Le parc... On aimerait y flâner pendant des heures et s’y perdre. Doté d’une superficie de 115 hectares, il réunit plusieurs époques de création : le jardin à la française dessiné au XVIIe siècle, le jardin anglo-chinois à la fin du XVIIIe siècle et le jardin anglais au début du XIXe siècle.

Pour qui arrive sur le grand parterre à la française, la vision est saisissante. D’élégantes arabesques se dessinent sur la pelouse, serpentant autour de « miroirs » aquatiques qui reflètent le bleu du ciel. À regarder cette parfaite harmonie géométrique, on comprend pourquoi le jardinier virtuose de la perspective, André Le Nôtre, était fier de sa réalisation. De tous les jardins qu’il a créés, Chantilly était son préféré. Et de fait, il s’agit bien là du triomphe de l’ordre sur le désordre, de la culture sur la nature sauvage, du réfléchi sur le spontané.

En opposition aux perspectives classiques du Grand Canal, le jardin « à l’anglaise » est composé de vastes prairies de fauches aménagées de chemins et de cours d’eau. Dessiné sous la Restauration par l’architecte Victor Dubois, il se veut avant tout paysage et peinture. Loin de vouloir contrôler la nature, l’idée est plutôt de l’imiter et d’en jouir. Au détour des chemins, des fabriques romantiques. Ici l’île d’Amour. Là le Temple de Vénus. Des noms qui portent à la rêverie et voilà que l’on se prend à méditer.

Mais pour qui veut pousser plus loin encore le dépaysement, c’est sans doute une promenade dans le jardin anglo-chinois qui parachèvera le ravissement. Dessiné en 1773 par Jean-François Leroy, il témoigne du goût pour la Chine en vogue au siècle des Lumières. Ouvrant le regard sur une végétation dense et de petites structures décoratives, il abrite un hameau de cinq maisonnettes (sept à l’origine), qui inspirèrent Marie-Antoinette dans la réalisation du Petit Trianon à Versailles.

Alors... amateur d’ordre ou de nature sauvage ? Qu’importe... Laissez-vous porter par une grisante sensation d’apesanteur, comme si l’on s’affranchissait des contingences pour s’incarner dans un monde de feuilles, de sève et d’écorce.

 

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