Appelez-moi « Laird »

                                                      

Pour quelques livres sterling, on peut acquérir en Écosse une parcelle qui donne le droit à être appelé lord ou laird ou lady. Malgré les apparences, il ne s’agit pas d’un titre de noblesse.

Dans le très connu feuilleton britannique, Downton Abbey, le maître d’hôtel Carlson s’adresse à lord Crawley en l’appelant your lordship. Ce qui signifie : « votre seigneurie ». C’est quand même beaucoup plus élégant qu’un simple my lord. Le comte de Grantham – c’est son titre dans la série – serait-il écossais, Mr Carlson le servirait en le nommant lairdship.

Il faut savoir que la Chambre des lords dans le Royaume-Uni compte environ 800 membres. De leur côté, les lairds écossais seraient une centaine. Un contradicteur pourrait s’élever aussitôt devant nous en affirmant qu’ils sont beaucoup plus nombreux, environ 200 000, et il y aurait de quoi être surpris.

Le propriétaire d’un large domaine en Écosse a eu l’idée de le découper en un nombre quasi indéfini de parcelles et de les vendre contre un titre de laird. Pour 30 £, l’on devient propriétaire de ladite parcelle qui mesure un pied carré. L’idée n’est pas mauvaise, car le propriétaire original protège ainsi son domaine agricole non constructible et le transforme en réserve naturelle. De quoi séduire les amoureux de la nature. La société qui vend ces parcelles a pris le soin de préciser qu’elle ne vend pas de titre de noblesse et que les appellations de laird et de lady reposent uniquement sur le plaisir. Qui oserait bannir un tel plaisir ? My goodness, I’m a lord  ! 

Nombreuses sont les officines qui accordent des titres de noblesse, toujours faux, contre des espèces très trébuchantes. Ce n’est certes pas le cas dans l’affaire dont nous nous entretenons, mais une ambiguïté subsiste. Pour que le titre soit reconnu, il doit être approuvé par le College of Arms of Scotland. Cette appellation de courtoisie est tout simplement une appellation de reconnaissance de… propriété. 

It’s funny the Sassenachs think they’re lairds and own a little place (1), disent les Écossais.

 

(1) « C’est amusant ces étrangers qui pensent être laird sur leur petit morceau de terre. » Sassenach est un terme argotique, un brin méprisant, utilisé pour désigner les Anglais et par conséquent les étrangers.

© Flickr, château en Écosse

 

La croisière des rois

L’été la Grèce fait le plein de touristes, mais sait-on qu’une croisière organisée dans les années 50, par la famille royale grecque, est à l’origine de ce succès ?

Surnommée la reine de fer, Frederika de Grèce, épouse du roi Paul, décide en août 1954 d’une croisière un peu particulière : la centaine de passagers embarqués appartient aux seules familles royales européennes. Le but de la souveraine est tout à la fois de promouvoir le tourisme en Grèce et de relancer la politique matrimoniale du gotha européen. La reine Juliana des Pays-Bas, le comte et la comtesse de Paris, avec six de leurs enfants, sont parmi les premiers à monter à bord du paquebot Agamemnon, prêté par un armateur grec. Suit un défilé daltesses royales et impériales, Habsbourg, Wittelsbach, Hohenzollern, Hanovre, Bourbon, Wurtemberg… Prince d’Espagne, Juan Carlos est du voyage. Il a 18 ans. Sa future épouse, Sophie de Grèce, aussi.

L’organisation est épique. Comme personne ne parle la même langue – une quinzaine sont pratiquées – on a dû faire appel à une armée d’interprètes. Sans compter les coiffeurs, femmes de chambre, aides de camp et valets qui s’entassent dans les ponts inférieurs. Les escales font l’objet d’animations. Plus ou moins réussies. À Delphes, par exemple, l’extravagante psychanalyste Marie Bonaparte, se met, sans que personne ne le demande, à déclamer un interminable texte de Renan, devant une assemblée médusée. À Épidaure, lors d’une représentation au théâtre antique, de nombreux paysans sont venus à dos d’âne assister au spectacle. Le braiement des animaux finit par couvrir les dialogues devenus inaudibles. Les fous rires fusent. La croisière s’amuse.

À Santorin, une nuée de photographes attendent les altesses, dans une bousculade homérique. Quelques semaines plus tard, les îles grecques font la une de Life, de Stern et de Paris-Match. Une partie de la planète lit et commence à rêver. Critiquée pour son luxe, la croisière des rois fut une des opérations de relations publiques les plus spectaculaires jamais organisées pour promouvoir le tourisme en Grèce. Vingt ans plus tard, la monarchie des Hellènes tombait. Et la reine Frederika prenait le chemin de l’exil.

Photo :  Le roi Paul de Grèce, à droite, vu à bord de l’Agamemnon à Naples, suivi par l’ex-roi Michel de Roumanie et son épouse, la princesse Anne de Bourbon-Parme. © Keystone Press / Alamy

 

Causeries

 

Admirer, à juste titre, notre langue en lui trouvant un souffle, une virtuosité, voire du « génie » – comme le suggère Voltaire – est une forme de chauvinisme assez courante. Cela ne nous empêche pas d’en révéler son usage parfois approximatif.

« Causer » est ainsi défini par le vénérable dictionnaire Le Robert : « Un usage populaire qui connote le manque d’éducation ». Enfin un dictionnaire qui lui, au moins, cause bien ! Le Français cause de plus en plus, mais parle de moins en moins. Rousseau lui-même avait déjà dénoncé le fait d’utiliser ce verbe mal à propos dans Les Confessions : « On ne cause pas à quelqu’un, on cause avec quelqu’un ».

Depuis, Maurice Grevisse, qui est à la langue française ce que Fauchon est à la langue de bœuf, écrivait : « J’avoue que “l’on vous cause” », lequel remonte à Corneille, n’est point ce qui heurte le plus dans la déchéance du langage si on admet « parler avec » sur le même plan que « parler à ». Ce mot est donc la « cause » de bien des débats. En fait le plus gênant, c’est qu’on l’emploie à tort et à la place de parler. Or, causer, c’est plutôt, bavarder, jacasser, papoter, cancaner, etc.

D’ailleurs quand un chef d’État s’exprime, il parle, il ne cause pas et on n’ose pas vraiment lui dire « Cause toujours, tu m’intéresses ».

© M.-L. Branger, Café parisien 1925

 

Maisons de famille : la fabrique à souvenirs

 

Cela sent la poussière et les souvenirs. Il faut ouvrir les volets en grand. Il y a du silence. Ce silence ne durera pas. Voici les vacances.

La maison ne désemplira pas. Elle est faite pour l’été, les cris d’enfants, les déjeuners dehors. Noël n’est pas mal non plus, avec ses feux de cheminée, son réveillon, ses bottes crottées de boue, son sapin au pied duquel s’entassent les cadeaux.

Dans les chambres, les lits ont été faits. Au grenier, la table de ping-pong attend les joueurs. Dans un coin, le flipper date de Mathusalem : il fonctionne avec des pièces d’un franc. Les bibliothèques sont pleines de livres de poche gondolés, de best-sellers un peu oubliés. Quelques Pléiades au milieu.

Le soir, on regardera un vieux film en DVD. Truffaut ou Sautet ? D’antiques VHS encombrent une étagère. Nul ne se résout à les jeter. À la cave, les vins vieillissent moins vite que nous. Dans les couloirs, le papier peint se décolle par endroits.

Un volontaire est désigné pour tondre la pelouse. Il faut aussi quelqu’un pour faire les courses au village. Qu’il pense à la presse locale, hein. À la piscine, les guêpes constituent l’ennemi numéro un. Le soir, les chauves-souris battent des records de vitesse entre les arbres. Le matin, des odeurs de pain grillé embaument la cuisine. Les retardataires auront droit à du café réchauffé. Des courageux gonflent les pneus des vélos. L’antique Solex ne veut plus démarrer. On entend le bruit des balles de tennis. Une voix décompte les points. Un cousin a encore triché. L’aînée des filles téléphone au bord du ruisseau, là-bas, très loin. Défense de la déranger. Le chien court après les motos. Les glaçons fondent dans les verres de rosé. Un klaxon annonce l’arrivée des pièces rapportées. Est-ce qu’il y a des moustiques cette année ?

Tout cela respire la mémoire, le romanesque, les histoires qu’on raconte jusqu’à minuit. À propos, il reste de l’armagnac ?

Photo © Jean-Marc Palisse

 

Quand épée rime avec immortalité

Tout comme les bottes vernies et le chapeau à plumes, l’épée accompagne l’habit vert des académiciens. Signe à l’origine de l’appartenance à la Maison du roi, leur poignée porte les symboles représentant la vie et l’œuvre de son détenteur.

Signe distinctif des académiciens, avec l’habit vert, l’épée incarne l’esprit chevaleresque des membres d’une de nos plus prestigieuses institutions. Ardents défenseurs de la langue française, leur combat, officialisé en 1635 par Richelieu, est éternel puisqu’ils sont immortels.

La réalisation de leur épée est confiée à des joailliers et des artistes. Le geste a d’autant plus de valeur lorsqu’il est exécuté par un ami. Ce fut le cas pour le joaillier Lorenz Bäumer, installé place Vendôme, qui a eu l’honneur de créer celles de Gabriel de Broglie et de Xavier Darcos. Il est émouvant d’imaginer la rencontre entre le savoir-faire admirable d’un créateur et le destin exceptionnel d’un homme. Du pommeau à la pointe de la lame, l’épée raconte la vie et l’œuvre de son récipiendaire. Chaque symbole gravé et sculpté prend vie sous les mains expertes des artisans d’art.

Pour Gabriel de Broglie, haut fonctionnaire élu en 2001 au fauteuil (11) d’Alain Peyrefitte, Lorenz Bäumer a dessiné une épée aux couleurs de la famille, en lapis-lazuli, or et argent. Sur le pommeau, la déesse Minerve évoque l’Institut de France, dont le prince sera chancelier, et le Conseil d’État, dont il est un membre éminent. Sur la garde, sont gravées les initiales des organismes qu’il dirigea dans l’audiovisuel : ORTF, Radio France, INA, CNCL. Les grilles et les arcades miniaturisées du Palais Royal rappellent le fief de l’orléanisme, cadre historique favori de ses écrits.

L’épée du chancelier et ancien ministre Xavier Darcos, élu au fauteuil (40) de Pierre-Jean Remy en 2013, décrit l’épicurien qu’il est. Lorenz Bäumer a figuré l’amour qu’il porte à sa famille par une constellation d’étoiles ; sa passion des belles lettres par une plume ornée des noms d’Ovide, Tacite, Mérimée et Wilde. L’épée est un livre ouvert, illustré d’allégories faites de vermeil, d’argent, d’émail et de cuir, restituant ce qui fait le bonheur de cet homme : la musique, la gastronomie, les bons vins, sans oublier ses racines en Aquitaine.

Cinq fauteuils sont actuellement à pourvoir. De quoi augurer encore de belles créations !

Photo : Épée de Xavier Darcos © Lorenz Baümer.

 

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