Je suis, j’y reste

Dans un ouvrage composé des mots consacrés à la noblesse, à la rubrique : « faux noble », il est écrit : « ne connaît pas ». La friandise particulaire, comme le soulignait Saint-Simon, est toujours convoitée. Les geais louchent toujours sur la parure du paon.
Je suis, j’y reste

Le paon, ce volatile qui appartient à une sous-espèce de la famille des Phasianidés, est – le croirions-nous – cousin de la pintade. Cette parenté n’enlève rien ni au premier ni au second. Leur carte de visite est authentique et nul ne pourrait s’aviser de les déclasser. Ils sont des Phasianidés, comme certains humains sont La R… ou C… L… Bien sûr les cris du paon, que l’on peut juger sans l’offenser comme étant intempestifs, sont supportés en considération de son plumage. Tournant dans tous les sens sa petite tête couronnée, cet oiseau si beau semble dire à ceux qui le contemplent : « Je suis, et c’est ainsi ». Quant à la pintade, elle vit tranquillement sa vie, cacabant et picorant çà et là sa subsistance, se méfiant tout de même d’un chasseur qui la prendrait pour une de ses sœurs mitrées.

On sait que le geai, sous-ordre des corvidés, demeure en complète admiration devant le paon si élégant, pourvu d’une couronne et d’un si luxuriant manteau. Il est bien tenté de l’imiter, ignorant que la couronne est en réalité une aigrette. Quant au manteau, en fait une roue, son envers est sans couleur. Pire encore, il se fane régulièrement et son propriétaire l’abandonne sans regret pour un nouveau identique.

Quoi qu’il en soit, le geai, parfois, récupère ce plumage abandonné, se l’accommode, et, comme l’a raconté La Fontaine, « Parmi d’autres Paons tout fier se panade ». L’illusion ne dure qu’un temps, « le beau personnage » qu’il croit être trébuche, est reconnu comme un geai, « se voit bafoué, berné, sifflé, moqué, joué ». Ce n’est pas tout à fait vrai parmi les humains, car les Phasianidés bien élevés poussent la courtoisie à ne rien dire, se contentant, la roue bien faite, de se détourner et de présenter au « suiveur » un tubercule musculo-glandulaire support de ses rectrices. Ce qui signifie que ce croupion-là porte les plumes chamarrées et que nul ne pourra, quoi qu’il fasse, se les approprier.

Dans les salons, le paon majestueux et un brin agaçant lance son cri. On pense entendre « Léon, Léon », alors qu’il dit simplement : « Je suis, j’y reste ». 

M. Okyo (1733–1795), Paons © WK.