Osez la cravate !

On lui prête des origines diverses. Le plus couramment, elle est associée aux soldats croates engagés par Louis XIII, qui portaient une « Krvat ». Elle s’est ensuite démocratisée au XIXe siècle pour devenir cet accessoire indispensable à tout homme du Monde. Pourtant, une nouvelle mode tend à la délaisser. Le Bottin Mondain se devait de se prononcer sur un sujet d’ampleur internationale.
Osez la cravate !

Dans l’armoire, suspendues dans l’envers de la porte, les cravates se désolent. « Quelle faute avons-nous commise pour être ainsi négligées, se demandent-elles ? » À chaque fois que l’on tourne la clef dans la serrure du meuble, avec ce grincement caractéristique, elles frémissent, se bousculent comme des petits enfants gourmands.

Hélas, la chemise, ôtée de la tablette où elle et ses sœurs sont rangées, ne jette plus un œil sur celles qui furent autrefois ses complices. Elles formaient pourtant une belle alliance, s’harmonisant selon leur teinte pastel, jouant de leur contraste, parfois exagérant dans l’extravagance. Il s’agissait chaque matin, tel un peintre devant sa toile, de composer cette diffuse association en entendant encore la voix maternelle répéter à l’envi : « La cravate est l’élégance de l’homme. »

Beau Brummel s’en retournerait dans sa tombe normande s’il savait que ses préceptes ne sont plus respectés. Sans doute, lui reproche-t-on aujourd’hui d’avoir passé des heures à essayer différents nœuds de cravate dans le seul but de donner l’impression de l’avoir nouée en un tour de main. « Si l’on se retourne sur vous dans la rue, c’est que vous êtes mal habillé », disait-il.

Aujourd’hui, le contraire est devenu la norme. Au diable la cravate qui serre le cou. Comme si l’on confondait la soie et le chanvre. La liberté passe désormais par la chemise ouverte, le col déboutonné, plissé, plié, dégagé. « Voyez comme je suis ouvert au monde, je ne crains pas le froid sur ma gorge, je suis affranchi ! » clament les partisans du progrès qui apparaissent dans les salons, les cabinets et sur les écrans de télévision. Devrions-nous jeter aussi nos chemises qui deviendraient inadaptées pour être définitivement libérés de ces compedes, ces entraves que l’on ne saurait plus nommer ?

Messieurs, songez que la cravate est une « partie essentielle et obligée du vêtement qui […] apprend à connaître celui qui la porte », comme l’écrivait Balzac. Alors, donnez-vous en à cœur joie. Choisissez-les tissées, imprimées, teintées, en soie, en laine ou en coton. Réveillez l’instant solennel du nœud, geste appris autrefois avec votre père, et laissez libre cours à votre imagination : nœud simple, Victoria, Windsor, ou Cavendish… Rassurez-vous, votre créativité devrait s’épanouir : un groupe de chercheurs suédois a dénombré pas moins de 177 147 manières de parfaire un nœud de cravate.

Ne manquez pas de lire, ou relire notre billet sur : « Lavallière, cravate ou nœud papillon ? »

Colin Firth dans Kingsman © Flickr.